Cela fait maintenant 10 ans que nous habitons à Vers, en Haute-Savoie. C’est l’occasion de vous expliquer comment j’ai régénéré notre terrain de 1800m² avec la permaculture, mais pas seulement. Dans cet article, je vous raconte cette histoire qui parle de vivant, d’arbres, de tâtonnements, de ne rien faire, de plantations et de biodiversité.

Au début, il y avait…

Je me souviens très bien de la première fois où nous avons visité le terrain et la maison que nous allions acheter. C’était un jour de juin, il faisait beau et chaud. Le lieu avec la vue sur l’église, les arbres alentour et le Jura à l’horizon m’ont tout de suite plu.

Je me souviens très bien aussi de la pelouse hyper bien tondue, des monocultures de cotonéasters, de lavandins et d’iris sur les bordures et des haies mono-variétales de tuyas, troènes et sapins… Un altéa, un pied de menthe, un pied de sauge, 2 petits rosiers ornementaux. Un érable du Japon, bien taillé en boule. Quelques jonquilles par ci par là…C’est pas compliqué, il y avait beaucoup de végétaux, mais très peu de variété. Très peu de biodiversité. J’ai fait le compte : quand nous sommes arrivés, il y a avait une dizaine de plantes différentes, avec beaucoup d’individus de chaque espèce. Je dirais une centaine de plantes, d’arbustes et d’arbres en tout.

C’est dommage, je n’ai plus les photos que j’avais prises lors de cette visite et j’aurais pu vous montrer pour que vous voyiez encore mieux la différence !

Alors j’ai commencé à jardiner avec mon cœur

1800m² pour une famille de 4, ça me semblait beaucoup ! Un beau terrain avec beaucoup de boulot pour tailler les haies, tondre la pelouse et même pas plat (parce que sinon, ce serait pas drôle…). J’ai donc commencé à gagner du terrain sur la pelouse et à jardiner avec mon cœur !

Ça veut dire quoi « jardiner avec mon cœur » ? Ça veut tout simplement dire que j’ai commencé à jardiner à partir des jardins que j’avais connus enfant, et surtout le jardin de mon grand-père maternel…Donc, avec mon cœur, et sans savoir jardiner du tout, j’ai commencé à planter des trucs dans les pelouses : des fraisiers (pour les enfants mais aussi pour moi, bien sûr !), des groseillers et des cassissiers. Puis des framboisiers. Un plant de tomates par ci, 2 autres de maïs par là.

Au début, je plantais ça n’importe où, comme je le sentais. Pour les fraisiers, ça a bien marché, mais pour le reste…Les groseillers et les cassissiers se sont retrouvés en plein soleil et en pleine bise. Les tomates sous la pluie, sans protection contre le mildiou…En 2016, j’ai déplacé les petits fruits une première fois, mais ce n’était pas la dernière !

Fin 2015, nous plantions nos trois premiers arbres : trois pommiers haute-tige dans le cadre d’un programme de maintien des vergers traditionnels du Syndicat mixte du Vuache. A cette même période, j’avais aussi déclaré notre parcelle comme refuge LPO, les oiseaux m’amenant vers les insectes et les insectes vers les plantes et le potager…

Une pelouse se transforme en potager mandala entre l’hiver 2022 et l’été 2023

Un « bond en avant » grâce la permaculture et le non-agir

Fin 2017, j’ai vu le film « Demain ». Même si j’avais plus de deux ans de retard sur la sortie du film, ça m’a fait un choc. Je pensais que je faisais déjà beaucoup de choses pour l’environnement et j’ai découvert que je pouvais faire bien plus !

J’y ai découvert la permaculture et ça m’a donné envie de faire un autre type de jardin. J’ai acheté mes premiers livres de jardinage et j’ai créé mon premier potager : 10 m² avec l’ambition de faire du jardinage biologique et des associations de plantes. J’en étais là, je me lançais sans trop savoir où j’allais. Au fil des ans, mon potager s’agrandissait : il faisait 60 m² en 2021, l’année où j’ai fait mon cours de conception en permaculture…

Mes formations à la permaculture

J’avais acheté un petit livre sur la permaculture « Mon petit jardin de permaculture » (de Jospeh Chauffrey) mais je ne comprenais rien. Enfin, je ne comprenais pas ce que je devais faire chez moi. J’ai donc voulu aller plus loin en me formant à la permaculture : d’abord une initiation à la permaculture en juin 2020 dans le magnifique jardin nourricier de Franck Gossmann (Amrita permaculture), puis un cours de conception à la permaculture (CCP) à l’été 2021.

Lentement et à petite échelle

Ça m’a pris encore du temps pour complètement transformer notre espace car je devais décider de l’organisation de l’espace, de l’emplacement des différents éléments les uns par rapport aux autres et des plantes et des variétés de plantes que je voulais planter. Prendre des décisions ça peut être difficile quand ça engage de l’argent, du temps et votre famille…En septembre 2022, pour me donner un coup de pouce, j’ai demandé de l’aide à Franck Gossmann, designer en permaculture. C’était près d’un an après mon CCP mais ça m’a vraiment boosté !

Fin 2022, j’ai donc planté une quarantaine d’arbres, d’arbustes et de plantes pour créer ce petit écosystème qu’est le cortillet permacole : plantation d’une triple haie brise-vent au nord, d’une autre haie variée à l’est et d’une bordure fruitière au sud. Depuis, je rajoute chaque année des plantes par ci par là pour augmenter la biodiversité, la richesse et la beauté de ce petit écosystème.

Tout cela est très bien illustré par un des principes de la permaculture que je préfère et dont je parle tout le temps : « lentement et à petite échelle ».

Surtout, ne rien faire

Au-delà de la démarche consciente de régénération entreprise avec la permaculture, il y aussi une attitude majeure, selon moi, dans la régénération : ne rien faire ou laisser faire le vivant.

Je laisse beaucoup pousser les plantes sur les bordures et sur le terrain. Et ça amène pas mal de surprises : un saule marsault, un fusain d’Europe, un tilleul, un sorbier des oiseleurs, des érables champêtres, des orchidées sauvages. Nous avons vu 3 types de variétés différentes en 2025. Cela peut paraître rien, mais pour moi, c’est beaucoup.

Les humains ont l’habitude de lutter contre le vivant : tondre, couper, désherber, arracher. C’est une attitude d’humain préhistorique, de survie. Oui, bien sûr, il faut enlever les ronces, les orties (pas toutes), ne pas laisser pousser les frênes partout. Mais, on peut aussi « faire avec la nature et pas contre elle ».

Une de mes victoires personnelles dans cette histoire est que nous pratiquons maintenant la tonte différenciée sur notre terrain : moins de temps passé à tondre, moins de carbone dépensé pour plus de biodiversité.

Ci-dessous, voici ce qui se passe si on ne fait rien : la biodiversité augmente.

Et c’est quoi la « régénération » ?

Je n’ai pas de définition scientifique à vous donner mais voilà ce que je comprends de la régénération. C’est un terme que mes formateurs en permaculture utilisent pour dire que là où il y avait un écosystème pauvre, on régénère un espace en augmentant le nombre d’espèces plantées. Ce qui contribue directement à recréer un écosystème où la vie du sol augmente, ainsi que le nombre d’insectes et d’animaux. Comme dit Antoine Talin, fondateur des Alvéoles et formateur en permaculture : « On agrade l’écosystème ».

C’est ce que j’ai compris de la régénération. Et ce que j’ai fait sur un tout petit espace…Pour donner quelques chiffres, il y a maintenant plus de 100 espèces de plantes différentes sur notre terrain (contre une dizaine à notre arrivée…) et nous en avons planté environ 160 !!

De leur côté, les scientifiques parlent aussi de « renaturation » ou de « réensauvagement », chaque mot ne recouvrant pas exactement le même type d’initiatives pour faire de renaître, de se reformer des écosystèmes dégradés dans certains espaces. Le terme « réensauvagement »(rewilding en Anglais) a été imaginé dans les années 90 et est une science qui veut dépasser les limites des pratiques de conservation et de protection de la nature. C’est une science de réhabilitation des écosystèmes innovante car elle permet des expérimentations nouvelles. Selon Paul Jepson et Cain Blythe, auteurs de « Réensauvager le monde pour sauver la planète », elle laisse une très grande place aux mégaherbivores (bisons, chevaux) pour reconstituer les écosystèmes. On peut citer comme exemples de réensavaugement le Parc de Yellowstone aux Etats-Unis, l’Oostvaardersplassen aux Pays-Bas ou encore le parc du Pléistocène en Sibérie.

Pour aller plus loin

Il y a tant de façons d’aller plus loin et de se rapprocher de toutes les formes du vivant qui nous entourent…Voici quelques pistes :

Et aussi deux livres :